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Le Blog de Voltaire

L’Église ose se dire chrétienne, catholique, et elle n’est assurément ni l’une ni l’autre !

Parmi la multitude des sectes qui partagent aujourd’hui le monde, il en est une qui domine dans cinq ou six provinces de l’Europe, et qui ose se dire universelle, parce qu’elle a envoyé des missionnaires en Amérique et en Asie. C’est comme si le roi de Danemark s’intitulait seigneur du monde entier, parce qu’il possède un établissement sur la côte de Coromandel et deux petites îles dans l’Amérique.

Si cette Église s’en tenait à cette vanité de s’appeler universelle dans le coin du monde qu’elle occupe, ce ne serait qu’un ridicule ; mais elle pousse la témérité, disons mieux, l’insolence, jusqu’à dévouer aux flammes éternelles quiconque n’est pas dans son sein.
Elle ne prie pour aucun des princes de la terre qui sont d’une secte différente. C’est elle qui, en forçant ces autres sociétés à l’imiter, a rompu tous les liens qui doivent unir les hommes.
Elle ose se dire chrétienne, catholique, et elle n’est assurément ni l’une ni l’autre. Qu’y a-t-il en effet de moins chrétien que d’être en tout opposé au Christ ? Le Christ et ses disciples ont été pauvres ; ils ont fui les honneurs ; ils ont chéri l’abaissement et les souffrances. Reconnaît-on à ces traits des moines, des évêques, qui regorgent de trésors, qui ont usurpé dans plusieurs pays les droits régaliens ; un pontife qui règne dans la ville des Scipions et des Césars, et qui ne daigne jamais parler à un prince si ce prince n’a pas auparavant baisé ses pieds ? Ce contraste extravagant ne révolte pas assez les hommes.

Vous ne pouvez, sans un rire de pitié, entendre parler de ces troupeaux de fainéants tondus, blancs, gris, noirs, chaussés, déchaux, en culottes ou sans culottes, pétris de crasse et d’arguments, dirigeant des dévotes imbéciles, mettant à contribution la populace, disant des messes pour faire retrouver les choses perdues, et faisant Dieu tous les matins pour quelques sous, tous étrangers, tous à charge à leur patrie, et tous sujets de Rome.
Il y a tel royaume qui nourrit cent mille de ces animaux paresseux et voraces, dont on aurait fait de bons matelots et de braves soldats.

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