Le pur despotisme est le châtiment de la mauvaise conduite des hommes. Si une communauté d’hommes est maîtrisée par un seul ou par quelques-uns, c’est visiblement parce qu’elle n’a eu ni le courage ni l’habileté de se gouverner elle-même.
Une société d’hommes gouvernés arbitrairement ressemble parfaitement à une troupe de bœufs mis au joug pour le service du maître. Il ne les nourrit qu’afin qu’ils soient en état de le servir ; il ne les panse dans leurs maladies qu’afin qu’ils lui soient utiles en santé ; il les engraisse pour se nourrir de leur substance ; et il se sert de la peau des uns pour atteler les autres à la charrue.
Un peuple est ainsi subjugué ou par un compatriote habile, qui a profité de son imbécillité et de ses divisions, ou par un voleur appelé conquérant, qui est venu avec d’autres voleurs s’emparer de ses terres, qui a tué ceux qui ont résisté, et qui a fait ses esclaves des lâches auxquels il a laissé la vie.
Ce voleur, qui méritait la roue, s’est fait quelquefois dresser des autels. Le peuple asservi a vu dans les enfants du voleur une race de dieux ; ils ont regardé l’examen de leur autorité comme un blasphème, et le moindre effort pour la liberté comme un sacrilège.